Tuesday, November 8, 2011

Mon pélerinage à la Mecque

Ce texte est un récit-témoignage du fabuleux pélerinage que j'ai effectué, en février 2002, vers les terres saintes à Makkah Moukarrama et à la visite de la mosquée du prophète à Madina Mounawara. Il a été écrit après mon retour du Haj en mars 2002.



L'angoisse du départ

Même si on prépare longtemps un voyage et même si on désire ce voyage de tout son âme, le départ est toujours un grand moment d'angoisse. Le jour J, un samedi 9 février j'arrive à l'aéroport des pélerins de Casablanca. Le moment de dire au revoir étant venu j'ai déployé un effort monstre pour contenir mes larmes afin de ne pas décourager ma femme Khadija qui essaie de puiser du courage au fond de mes yeux. Mon visage était souriant, un peu soucieux, mais au fond je pleurais ... C'est la première fois que je vais quitter ma femme et mes adorables enfants Mouad, Khaoula et Mariam pour une si longue durée (au moins un mois). De plus, le haj (pélerinage à la Mecque) n'est jamais un voyage sans risque : Tous les ans, on déplore la mort de certains pélerins pour des causes diverses, allant de l'intoxication alimentaire à la bousculade ou tout simplement la mort naturelle ... Les corps ne sont jamais rappatriés, ils sont inhumés en terre sainte. La famille doit se contenter d'une déclaration de décés au haj avec comme consolation le fait que la mort au haj est presque synonyme d'aller au paradis ... Ce n'est certainement pas une maigre consolation car c'est bien le rêve de tout musulman de gagner le droit d'aller au paradis. A propos de mort au haj, dans le temps les marocains qui allaient au haj étaient surtout des personnes âgées qui supportaient mal les contraintes du haj et y laissaient souvent leur vie. Aujourd'hui, de plus en plus de jeunes ont le privilège et l'honneur d'aller au haj. De plus en plus de gens sont conscients qu'il faut aller au haj le plus tôt possible tant que la santé est bonne et dès que les moyens matériels sont disponibles. En effet rien ne garantit que la vie sera longue et le prophète a bien dit que "celui qui a les moyens d'aller au haj et ne le fait pas n'a qu'a choisir sous quelle autre religion il veut mourir", sous-entendu cette personne ne peut pas se prévaloir d'être musulmane car elle a les moyens d'accomplir le cinquième pilier de l'islam mais ne le fait pas.
A propos de moyens matériels, pour un marocain, il faut compter environ $US 3000 tous frais compris pour un voyage au haj d'un mois environ.

Habillé comme un mort

Les formalités administratives à l'aéroport s'étant déroulées sans encombre, nous arrivons à la salle d'embarquement en attendant l'heure de départ. Nous sommes environ 400 pélerins à attendre patiemment le moment de partir. Il y a approximativement presque autant de femmes que d'hommes. Si les filles d'Eve n'ont pas à s'habiller d'un habit particulier, sauf l'habit règlementaire islamique à savoir des habits larges couvrant tout sauf le visage et les mains, il en va tout autrement pour nous autres fils d'Adam et dignes successeurs du prophète Ibrahim, bâtisseur de la Kaaba et le premier qui a appelé au haj en terre sainte à Makkah. En effet, nous devons nous habiller avec un habit particulier spécial "ihram" dès l'arrivé (en vol) à un point géographique particulier appelé "mikat". Il y a quatre "mikat" selon la région d'où vient le pélerin. Pour nous autres marocains, notre "mikat" se trouve à "rabegh" un petit village proche de l'aéroport de Jeddah. Comme nous n'aurons pas le temps ni les moyens de nous laver et mettre l'habit du "ihram" dans l'avion, nous nous préparons avant la montée dans l'avion. Moi même je me suis lavé et mis les habits du ihram chez moi et j'ai mis une djellaba dessus; le moment venu, il suffirait d'enlever la djellaba et je serais prêt. Tout le monde n'est pas aussi prévoyant, certains ont attendu d'arriver à la salle d'embarquement pour s'habiller pour le "ihram". En fait c'est quoi "ihram" ? Ce mot vient de mot arabe qui signifie "interdit". En quelques mots un pélerin qui entre dans la phase "ihram" doit s'interdire un certain nombre de choses de la vie courante comme se coiffer, mettre du parfum, etc. et se consacrer à la prière dans une attitude humble et soumise à Dieu. L'habit spécial ihram est tout simplement deux serviettes ou deux draps blancs. Le pélerin doit mettre une serviette comme une jupe et la serrer avec une ceinture autour de sa taille, cela s'appelle "izare" et doit mettre la deuxième serviette sur ses épaules et l'envelopper sur soit, cela s'appelle "ridaa". En dehors de ces deux draps, aucun autre habit n'est autorisé, ni sous-vetement, ni chaussette, ni chapeau, rien que deux simples draps ... L'allusion évidemment au mort qui est lavé puis enveloppé dans des draps similaires est évidente. L'objectif est que les fidèles se rappellent le jour de leur mort et le jour dernier où toutes les créatures seront rassemblées devant le Seigneur. De plus, qu'on soit roi ou ballayeur, on s'habille de la même manière et on subit le même sort ... Quel symbole d'humilité et d'égalité devant Dieu ! Pour notre Seigneur, nous sommes tous pareils, ce qui compte c'est la piété, pas le statut social ni la richesse.

Le voyage

L'heure d'embarquement dans l'avion est arrivée. Mes concitoyens, même partant pour le haj, ne dérogent pas à la règle : ils se bousculent sur le portique pour monter dans les bus emmenant vers l'avion. Arrivée au pied de l'avion, même scénario : on se bouscule pour monter dans l'avion. Si vous me demandez pourquoi on se presse et on se bouscule alors que tout le monde, sans exception, va monter dans le même avion qui, théoriquement, arrivera en un seul morceau :-) à l'aéroport de Jeddah en Arabie Saoudite ? je ne saurais vous répondre ... Les marocains sont ainsi faits, ils ne se sentent pas l'aise s'ils ne se bousculent pas et s'ils ne se bagarrent pas avec leurs frères et soeurs pour passer en premier :-(
Nous prenons place à l'arrière de l'avion bien que nos tickets d'embarquement indiquent des places assises en avant et bien que la règle veut que les hommes soient dans une rangée et les femmes dans l'autre. Dans la bousculade et la précipitation, les hotesses ont été débordées et les gens se sont assis n'importe où, n'importe comment ...
Peu importe, nous prenons place, ma tante (khalti), ma soeur et moi-même dans trois places assises dans la rangée du milieu d'un superbe boeing 777 de la Saoudi Airlines aux équipements ultra sophistiqués. Chaque place assise est équipée d'un écran individuel avec une commande qu'on peut retirer du côté du siège. Avec cette commande on peut choisir entre des programmes vidéos : cinéma, dessins animés, émission religieuses sur la haj ou encore consulter les informations sur le vol : itinéraire parcouru avec cartes détaillées, heures de vol, d'arrivé, vitesse (900 Km/h) et hauteur (10700 mètres) de l'avion, température extérieure (-57°C), etc. Il existe aussi un programme diffusant les images prises par deux caméras extérieures l'une horizontale et l'autre verticale ! Malheureusement comme le voyage se déroule la nuit, à part pendant le décollage où on voit les feux de la piste de décollage s'éloigner, on ne voit rien à travers ces caméras durant tout le vol, qui durera un peu moins de six heures. Si on dispose d'une carte bancaire de paiment électronique, on peut utiliser la commande en guise de téléphone pour appeller n'importe quel coin du monde. Pour ceux qui ne savent pas manipuler cette commande merveilleuse et son petit écran, ils peuvent suivre les programmes diffusés automatiquement sur leurs petits écrans ou sur de grands écrans disposés dans divers endroits de l'avion. Finalement précisons que dans l'avion un endroit est aménagé pour la prière, il peut contenir jusqu'à 10 personnes. On y trouve une moquette et des petits tapis de prière et bien évidemment un écran qui donne l'itinéraire de l'avion et surtout la direction de la Kibla en temps réel ! Décidément les saoudiens ne finiront jamais de m'étonner agréablement et ça ne fait que commencer.

Talbya, début du rituel du haj

Le sympathique commandant de bord nous annonce le moment venu que nous allons atteindre le mikat dans un quart d'heure. Tous les hommes se préparent en s'habillant pour le ihram. Un quart d'heure après le commandant de bord nous annonce l'arrivée au "mikat" et nous souhaite un "haj mabrour wa danb maghfour" (un bon pélerinage et des pêchers pardonnés par Dieu). Nous entamons alors la phase du ihram en pensant (niya) effectuer une Omra. Puis, nous commençons à réciter "talbia", c'est-à-dire que nous devons dorénavant dire pratiquement tout le temps :
  • labbayka Allahomma labbayk, (nous voici Dieu, nous voici !)
  • labbayka la charika laka labbayk, (nous voici, O Seigneur tu n'as pas d'associé)
  • inna lhamda wa niimata laka wa lmolk la charika lak (Grâce et Bienfaits sont de Toi, tout est à Toi et Tu n'as pas d'associé).
En fait le sens du "talbya" est essentiellement le fait que le pélerin vient en terre sainte pour répondre à l'appel de Dieu. Imaginez un seul moment que quelques deux millions de pélerins convergent vers Makkah par terre, mer et air et disent les mêmes paroles ... Imaginez aussi que tous les prophètes depuis Ibrahim (Abraham), Moussa (Moise), Issa (Jesus), Youssouf (Joseph), etc. ont effectué le même périple et prononcé les mêmes paroles, cela vous donnera la chère de poule. Sachez aussi que les arabes avant même le venue du prophète Mohammed ont gardé trace de ce pélerinage hérité du prophète Ibrahim. Ils prononçaient une talbya déformée, tournaient autour de la Kaaba et allaient et venaient entre Safa et Marwa mais malheureusement tout cela était mélangé avec leurs statuettes et leurs idôles qu'ils associaient à Dieu. L'islam a nettoyé la Kaaba de tous les idôles et a revivifié le haj pur tel qu'il était pratiqué du temps du prophète Ibrahim.

Arrivée en terre sainte, vision de la Kaaba

MakkahL'avion atterit à cinq heures (heure locale) à Jeddah à quelques soixante dix kilomètres de Makkah. Après d'interminables procédures administratives nous arrivons enfin, par bus, vers dix sept heures à Makkah. Nous déposons nos baggages dans le petit appartement qui nous est alloué, mangeons rapidement puis, sans arrêter la talbya, nous nous dirigeons vers "Al Masjid Al Haram", la mosquée abritant en son sein la Kaaba. Celle-ci est un édifice cubique d'environ quinze à vingt mètres de côté. Il a été bâti par le prophète Ibrahim sur instruction de Dieu et il a été élargi à plusieurs reprises dans son histoire. La Kaaba est recouverte par un tissu noir avec des motifs contenant des versets du Coran. En plus de ces motifs d'autres inscriptions, visibles de loin, sont écrites avec des fils d'or. C'est cet édifice cubique simple qui a été choisi par Dieu comme direction des cinq prières effectuées par les musulmans chaque jour. La vision du "Masjid Al Haram" est très émouvante et une fois entré à l'intérieur de la mosquée, on s'avance jusqu'à apercevoir la Kaaba. L'instant de cette vision est parmi les moments qui marquent l'existance de tout musulman arrivant en ces lieux. Beaucoup de pélerins n'arrivent pas à se maîtriser, certains s'agenouillent et se prosternent pour Dieu, d'autres ne trouvent pas les mots adéquats pour remercier Dieu de les avoir amené jusque là, d'autres ont les larmes qui coulent des yeux en silence ... J'ai vu une iranienne qui a piqué un crise d'hystérie en voyant la Kaaba, elle a commencé à crier avant que ses proches ne viennent la calmer et la persuader de ne pas perturber la quiétude des gens qui prient.

Rituel de la Omra (manasik omra)

Nous commençons notre haj par une "omra". En quoi cela consiste ? simplement en quatre phases:
  • Ihram et talbya : déjà effectués dans l'avion et décrits précédemment
  • Tawaf : il s'agit de tourner autour de la Kaaba sept fois dans le sens contraire des aiguilles d'une montre en partant de la ligne diagonale issue de la pierre noire. Ensuite, on effectue une salat de deux rakaat puis on va aller boire l'eau de la source zamzam. Cette source actuellement distribuée dans plusieurs milliers de robinets et de distributeurs spécifiques a jailli la première fois sous les pieds de Hajar (femme du prophète Ibrahim) et de son fils Ismail.
  • Saay : il s'agit d'effectuer sept allers et venus entre deux talus appelés Safa et Marwa distants d'environ 380 mètres. Ce parcour actuellement bien balisé avec un sol en marbre était jadis un terrain vague parcouru plusieurs fois par Hajar qui cherchait de l'eau pour elle et son fils Ismail.
  • Après le saay le pélerin doit se coiffer les cheveux et à partir de ce moment-là il a le droit d'enlever les habits du ihram et tout ce qui lui était interdit ne l'est plus. Il peut aussi arrêter talbya mais cela ne doit pas l'empêcher de continuer à penser à Dieu tout le temps (dhikr).
Le tawaf, saay et la coiffure peuvent s'effectuer dans une durée allant de deux à cinq heures suivant la foule rencontrée dans le tawaf et saay. Plus il y a de monde, plus le temps sera long. La prière du tawaf est une des grandissimes prières effectuées par le pélerin. Elle a le même statut que la salat dans le sens où elle a les mêmes contraintes de propreté (ablutions, etc.). Cependant, elle est unique car elle ne peut s'effectuer qu'autour de la Kaaba à Makkah. Le pélerin est invité à profiter de sa présence dans ces lieux saints pour effectuer un maximum de tawaf supplémantaires en dehors de ce qu'il doit effectuer obligatoirement.
Durant le tawaf, le pélerin tourne autour de la Kaaba sept tours durant lesquels il peut prier Dieu avec les prières qu'il veut, il peut aussi lire un peu de Coran. L'un des quatre coins de la Kaaba contient la pierre noire. Cette pierre est très prisée par les pélerins qui font des mains et des pieds pour aller l'embrasser comme le prophète a fait. Cependant, vu le nombre important des pélerins il est permis de se contenter de lever sa main en direction de la pierre noire et dire "Bismillah Allaho Akbar" (au nom de Dieu, Dieu est Grand).

La dynamique des pélerins autour de la Kaaba :-)

En montant sur la terrasse de la mosquée j'ai pu voir la scène du tawaf d'en haut. C'est une scène fabuleuse : une marée mouvante de pélerins tourne autour du grand édifice de la Kaaba 24 heures sur 24. Le mouvement humain ressemble à un tourbillon d'eau avec des endroits où la circulation d'eau est fluide et se passe sans heurs et d'autres endroits constituant des passages difficiles. Par exemple sur la ligne au sol marquant le début du tawaf, la circulation des pélerins ressemble à une chute d'eau avec une surpression avant la chute et une dépression après. Autre analogie avec une crue d'eau : une fois j'étais assis avec d'autres pélerins dans la cours autour de la Kaaba attendant l'heure de la prière et d'autres pélerins faisaient normalement leur tawaf autour et proche de la Kaaba. Petit à petit le nombre de ceux qui font le tawaf a commencé à augmenter puis soudain, comme une crue d'eau, une foule de pélerins qui font le tawaf a littéralement envahie la zone où nous étions assis. Non seulement on était obligé de nous mettre debout, mais le mouvement de foule nous a emmené avec ceux qui tournent ! Comme des arbustes que la crue vient de déraciner et jeter ailleurs j'ai été transporté par la foule des pélerins un tour plus loin sur la périphérie de la cour abritant la Kaaba. L'analogie hydraulique m'a inspiré plusieurs idées qui pourraient améliorer la fluidité du tawaf. Par exemple, il faudrait que tous les pélerins soient conscients qu'il ne faut pas s'arrêter à la ligne de début du tawaf, cela enlèverait la "chute d'eau". Il faudrait aussi éliminer les groupes de pélerins qui se tiennent solidairement pour ne pas se perdre les uns des autres ou pour se renforcer les uns les autres. Ces groupes de pélerins constituent de gros "grumeaux" qui diminuent la fluidité et augmentent les heurs entre pélerins.
Le grand problème reste la discipline des pélerins eux-mêmes. Souvent, l'ignorance, la non éducation et l'absence du bon sens font que des pélerins bousculent violemment leurs frères et soeurs. Ces mauvais exemples sont malheureusement assez fréquents et presque inévitables. En effet, les autorités religieuses de tous les pays musulmans ont beau informé et formé les pélerins, il y a toujours une frange de pélerins complètement ignorants ou n'appliquent pas ce qu'ils savent et on ne peut pas interdire la maison de Dieu même à ceux-là.
Un dernier point à propos du tawaf : malgré la foule et la bousculade le tawaf est mixte, il ne peut en être autrement. Ce qui est extraordinaire c'est de voir comment réagit par exemple un homme quand il est littéralement propulsé par la foule vers une femme qu'il ne doit théoriquement pas toucher. Contrairement à une goute d'eau qui vient s'agglutiner à l'autre goutte d'eau et continuer son chemin, l'homme, avec son libre arbitre, va commencer à freiner et à changer sa trajectoire pour éviter coûte que coûte d'être collé avec une femme qu'il n'est pas autorisé de toucher. Ceci est un excellent exercice morale pour apprendre au musulman dans sa vie de tous les jours à savoir se contrôler et ne pas se laisser entrainer vers ce que Dieu lui a interdit. Un musulman ne cède jamais à ses pulsions et à l'ambiance dans laquelle il vit. Il est toujours maître de lui même et de sa destinée, dans le cadre de la volonté de Dieu. Ce respect des femmes par les hommes durant le tawaf malgré la foule est la réaction normale d'un musulman, cela-dit il y a des contre-exemples, assez nombreux d'ailleurs :-(

Des visages et des habits de toutes les couleurs

En arrivant à Makkah et en allant à la mosquée du Haram, ma soeur m'a dit qu'elle avait l'impression de consulter une encyclopédie. En effet, on voit à Makkah toutes les races et toutes les couleurs, tous des musulmans, car Makkah est interdite aux non musulmans. Les plus nombreux sont les sud-est asiatiques : les indonésiens et les malaisiens, généralement petits de taille, disciplinés et très organisés. Il y a aussi les indiens, les pakistanais et les bangladeshis, eux aussi nombreux, avec leurs femmes mettant un petit bijoux dans le nez et enveloppés dans des saaris dignes des plus beaux clichés d'inde. Quant aux hommes ils peignent généralement leur longue barbe avec une couleur rousse. On croise aussi les égyptiens et les égyptiennes avec leur accent savoureux comme dans une série télévisée. Nos amis égyptiens n'ont rien à envier à nous autres marocains en terme d'indiscipline et de bruit dans les couloirs d'hotels et de résidences des pélerins :-) Il y a aussi nos amis africains noirs, maliens, nigérians, etc. avec leur taille imposante et leur sens grégaire qui fait du mal notamment dans le tawaf. Cependant ils sont toujours souriants et on a l'impression que leur langue est gaie et se prête à rire à pleine dents blanches :-) On ne peut ne pas apercevoir nos frères et soeurs libanais (chiites) et iraniens. Ces derniers posaient pas mal de problèmes aux autorités saoudiennes durant la période Khomeyni. Aujourd'hui, ils sont d'une discipline exemplaire et ne troublent nullement l'ordre public par des manifestations à caractère politique comme aux temps de la fièvre révolutionnaire. Seule manifestation de ce genre fût un petit "sit in" près de la Kaaba à onze heure du soir par un groupe de libanais qui lançaient des slogans anti-israéliens et pro-palestiens. Tout le monde comprenait cette réaction et l'approuvait vu le génocide que subit notre peuple frère palestinien. Soulignons également le fait que cette année, la plupart des femmes pélerins iraniennes ne s'habillent pas en noir mais en blanc ...
On croise aussi à Makkah évidemment nos frères marocains et algériens avec leur accent typique et leur attitude fière se croyant plus intelligents que tout le monde :-))) et s'habillant tantôt avec leur bel habit traditionnel tantôt avec des qamiss saoudiens de piètre qualité et des taguias marocaines guère mieux côtées donnant une image plutôt moins que plus, mais c'est un avis personnel ;-) Il y a aussi les syriens, les iraquiens et les palestiniens venant de palestine ou ceux de la dispora au liban ou en jordanie.
Dans le haram ou dans les rue on peut croiser des pélerins venant de république populaire de chine ! Je les adore ces chinois, on dirait qu'après leur prière, ils vont exécuter un kata de cinquième dan en Nambudu Sankukay :-) Peu nombreux également sont les originaires des ex-républiques soviétiques ou encore ces européens aux yeux bleus et aux cheveux et barbes blondes ou rousses. On connaît facilement les nationalités des gens car en général, pour des raisons d'organisation, chaque haj porte un badge, un uniforme ou un signe distinctif quelconque indiquant non seulement le pays d'origine mais également le groupe de pélerins auquel il appartient. Cela permet, au cas où le pélerin perd son chemin de pouvoir se faire aider par les agents d'autorité saoudienne.

La mosquée du Haram, un chef d'oeuvre d'architecture et de technique 

haram makkiLa mosqué du Haram à Makkah est la plus grande mosquée au monde. Sur deux niveaux plus une immense terrasse, un sous-sol et des esplanades autour de la mosquée, celle-ci accueille durant la période du haj quelques deux millions de fidèles cinq fois par jour durant les prières. On est bien loin, très loin des 80000 fidèles que peut théoriquement abriter la mosquée Hassan II à Casablanca... La vision de ces pélerins qui convergent à travers les artères de la ville vers la mosquée est impressionnante. Toutes les routes proches du haram sont fermées à la circulation des voitures et des camions une demi-heure avant l'heure de la prière car tout simplement ces routes sont envahies par les pélerins convergeant vers la mosquée à pied.
D'un point de vue architecturale, la mosquée est une très belle oeuvre tout en marbre. La mosquée du Haram est également un ensemble technique impressionnant : des climatiseurs et des ventilateurs en nombre astronomique, des lustres, des hauts parleurs, des caméras fixes ou dirigeables, des engins de nettoyage ou de manutention à propulsion électrique, bref des équipements impressionnants et surtout très bien entretenus. On ne trouveras jamais un ventilateur en panne ou une lampe grillée. La propreté est également impeccable ! C'est ainsi que les lustres et les hauts parleurs en cuivre sont nettoyés avec un produit spécial qui fait briller le cuivre comme de l'or. L'eau de zamzam est distribuée dans des jerricanes avec un robinet à poussoir et une pile de gobelets propres et jetables après chaque usage. Jamais il n'y a de rupture de stok de goblets et les agents spécialisés dans l'entretien de la distribution de zamzam manipulent les bidon d'eau en mettant des gangs propres pour éviter toute contamination.
Les sols sont lavés à l'eau et au savon tous les jours par une armée d'agents de ménage extrêmement organisés et bien équipés et rôdés à travailler même dans des conditions difficiles où la mosquée est pleine de pélerins 24 heures sur 24. Les tapis sont également passés à l'aspirateur ...
Cette maintenance impeccable de la mosquée n'est pas effectuée par les reponsables de la mosquée directement, mais elle est sous-traités à une entreprise privée. Le nom de cette entreprise vous dira certainement quelques choses ... il s'agit de "Saudi Bin Laden Group", tous les agents d'entretien portent fièrement des uniformes avec le nom de leur entreprise.
Les autorités s'occuppant du haram déploient tous les moyens pour prévenir les accidents durant le tawaf ou saay qui peuvent être engendrés par la foule. Ainsi les pélerins sont en permanence surveillés par des policiers et des secouristes équipés de brancard pour évacuer d'éventuels accidentés et d'accessoires de secours immédiat comme la bouteille d'oxygène, etc. Le service de nettoyage est également d'une redoutable efficacité : si par exemple quelqu'un saigne du nez et le sang se répand sur le sol où s'effectue le tawaf, dans la minute qui suit, des hommes de ménage interviennent efficacement et les choses rentrent dans l'ordre. Malgré le fait que le tawaf ne s'arrête jamais autour de la Kaaba, les agents s'occuppant du nettoyage profitent des moments de moins forte influence pour faire entrer dans la cour autour de la Kaaba des engins de nettoyage automatisés et guidés par des hommes de ménage. En quelques minutes le sol est nettoyé et débarassés des multitudes d'objets perdus par les pélerins dans la bousculade et qui peuvent blesser d'autres pélerins.

Les six jours du Grand Haj

Journée du 8 Dilhija 1422 (20/2/2002), "yawm tarwiya"

Jusqu'à ce point du récit je n'ai décrit que le rituel de la Omra, qui n'est qu'un prélude au grand haj. Celui-ci ne commence que le 8 Dilhijja (12 ème mois lunaire). Ce jour là, appelé journée du "tarwiya" commence par une entrée dans la phase ihram avec son habit traditionnel pour les hommes. Cette fois-ci cependant, le pélerin pense (niya) et dit qu'il va effectuer un "haj" (et non une omra) puis commence talbya comme dans la omra.
Ensuite les pélerins sont transportés par bus vers Mina, un lieu proche de Makka (5 kilomètres). Ils sont alors logés dans des campements avec des tentes ayant une structure métalique, un système de climatisation, l'éclairage et l'eau courante. Il n'existe pas de mobilier dans les tentes, juste des tapis pour s'assoire et dormir. Vu l'étroitesse du territoire de Mina les pélerins n'ont pas beaucoup d'espace et chacun a pratiquement juste l'endroit où il peut dormir. Les pélerins passent cette première journée du haj à prier, lire le coran, discuter religion, etc.

Journée du 9 Dilhija 1422 (21/2/2002), "yawm arafa"


Cette journée est le grand jour du haj. Les pélerins partent après la prière du fajr de Mina vers un lieu appelé "Arafa" à une vingtaine de kilomètres de Makka. Le transport dure au moins toute la matinée à cause du nombre incalculable de bus qui convergent vers Arafa. On effectue la prière du dohr et asr groupées puis on se consacre uniquement à prier Dieu, de préférence debout jusqu'après le coucher du soleil. Ceux qui sont venus tôt ont pu assister à la prière et à la khotba à la mosquée Namira. Cette mosquée est peut être la seule mosquée au monde qui n'ouvre qu'une journée dans l'année et pour faire une seule prière groupée ! En effet, à Arafa il n'y a pas d'habitants et par conséquent point de fidèles pour faire la prière dans cette mosquée qui reste alors fermée toute l'année. Mais les attentes des murs de cette mosquée sont largement compensées par la foule impressionnante qui converge à Arafa ce jour du Grand Haj ! Durant tout l'après-midi les pélerins s'activent, de préférence debout, à prier Dieu en se tournant vers la direction de la Kaaba et en tendant les mains vers Dieu. On peut demander à Dieu ce qu'on veut, mais le fûté est celui qui demande pour le jour dernier, toute la vie ici-bas aura l'air d'un songe éphémère demain devant Dieu. Durant cette prière, il est plus que recommandé de pleurer et d'insister en demandant le pardon de Dieu. Celui qui se croit pur, n'a rien à se reprocher et n'a pas besoin du pardon de Dieu n'a pas sa place ici, il a fait le voyage pour rien ... Il est émouvant et impressionnant de voir les hommes et femmes de toutes les couleurs en train de pleurer et d'implorer Dieu dans toutes les langues. Comme toujours, il y en a qui n'ont rien compris et se font prendre en photos souvenirs ou ceux qui font des acrobaties pour monter au sommet du mont Arafa hautement dangreux à cause de la foule et des escarpements des rochers, alors que le prophète est resté au pied du mont et a indiqué que l'ont pouvait se mettre debout n'importe où dans Arafa.
Après le coucher du soleil on retourne dans la direction de Mina mais on s'arrête dans un lieu appelé mouzdalifa où les hommes doivent passer la nuit à la belle étoile. Les femmes qui ne peuvent dormir à l'air libre sont autorisées à rentrer dès minuit vers Mina.

Journée du 10 Dilhija 1422 (22/2/2002), "yawm eide"


Après avoir passé la nuit à Mouzdalifa on retourne vers Mina (puis Makkah) pour effectuer quatre rituels importants :
  • jeter la pierre de akaba : on ramasse sept petits caillous et on va les jeter à un endroit particulier à Mina appelé "jamrat akaba" ce jet de pierre symbolise le fait qu'on maudit satan en commémoration de l'acte héroïque du prophète Ibrahim qui a maudit satan qui l'incitait à ne pas égorger son fils comme Dieu le lui avait demandé. Finalement Ibrahim a maudit satan et a commencé à vouloir égorger son fils, c'est là que Dieu ayant su qu'il allait exécuter son ordre sans sourciller, lui a ordonné de s'arrêter et lui a fait descendre un mouton du paradis à égorger à la place de son fils.
  • Egorger un mouton et donner sa viande aux pauvres du haram. En fait la majorité des pélerins payent un bon à une société qui se charge d'égorger les moutons sous contrôle vétérinaire, effectue les emballages et réfrigérations qui s'imposent avant de distribuer la viande pour les pauvres du haram et d'ailleurs dans les pays musulmans.
  • Se raser complètement le crâne comme le prophète l'a fait et comme Dieu l'a recommandé dans le Coran. Les femmes ne doivent pas se raser complètement mais juste couper de leur cheveux un petit bout.
  • tawaf et saay à Makka : cependant vu la foule immense qu'il y a ce jour là, il est permis de retarder ce tawaf et saay de quelques jours, le temps que la foule diminue. Ce tawaf important appelé "tawaf al ifada" peut être effectué jusqu'à fin Dilhija mais il est recommandé de ne pas trop le retarder sans motif valable (foule importante, maladie, etc.)
Dès que le pélerin effectue au moins deux parmi ces quatre recommandations ci-dessus, il peut alors arrêter son ihram et s'habiller normalement, mais il doit rester passer la nuit à Mina.

Journée du 11 Dilhija 1422 (23/2/2002), "awal ayam tachrike"


Cette journée passée à Mina est surtout caractérisée par le jet de pierres à trois endroits nommés respectivement petite, moyenne et grande jamra. On jette symboliquement à chaque endroit sept petits cailloux comme on l'a fait la veille une seule fois. Le jet des sept petits cailloux à chaque "jamra" ne dure en tout et pour tout que quelques secondes mais le problème vient du fait que l'endroit est relativement étroit et la période de jet est limitée. Ces deux éléments font que ce jet de pierre est réputé être le rituel le plus dangereux du haj à cause des bousculades mortels qu'il y a eu par le passé à cet endroit. En fait les autorités religieuses ont minimisé les risques en jouant sur plusieurs facteurs :
  • En élargissant l'endroit de jet de pierre en bâtissant un pont surplombant les trois jamarat et doublant ainsi la surface utile pour les pélerins.
  • En élargissant la période de jet qui était limitée entre les prières du dohr et du maghreb et qui est maintenant rallongée jusqu'à minuit. Malheureusement beaucoup de pélerins ignorent encore cette possibilité et continuent à se bousculer initilement durant les "heures de pointe".
  • En instituant la possibilité à un pélerin jeune de jeter les cailloux à la place de femmes et autres pélerins faibles ne pouvant supporter la foule.
  • En déployant un dispositif de sécurité impressionnant avec des policiers et des secouristes directement mêlés aux pélerins, un QG qui surveille par des caméras vidéos et par le biais des rapports communiqués par talky walky les mouvements des pélerins et diffusent ces directives en temps réel avec des hauts parleurs et en utilisant toutes les langues des pélerins.
Tous ces éléments font que l'on déplore de moins en moins des accidents à cet endroit. Personnellement j'étais prêt à jeter les cailloux à la place de ma tante et ma soeur, finalement, en choisissant bien nos horaires, nous avons pu jeter très facilement nos cailloux sans aucun problème.

Journée du 12 Dilhija 1422 (24/2/2002) , "thani ayam tachrike"


Cette journée est identique à la précédente. Le pélerin a cependant le droit, après avoir jeté les jamarates, de retourner à Makka à condition d'avoir quitté Mina avant le coucher du soleil.

Journée du 13 Dilhija 1422 (25/2/2002), "thaleth ayam tachrike"


Pour ceux qui n'ont pu quitter Mina la veille avant le coucher du soleil, cette troisième et dernière journée de jet de pierre est identique à la précédente.
Cependant, après avoir jeté les 21 cailloux le pélerin a terminé le rituel de Mina, il peut retourner à sa convenance vers Makkah à son hotel pour se reposer et s'il ne l'a pas encore effectué, pour faire "tawaf al ifada" et "saay" entre Safa et Marwa.
Le rituel du Grand Haj est terminé. Le pélerin, en attendant le jour où il doit quitter Makkah, en profite pour faire un maximum de prières, il peut aussi faire ses achats de cadeaux qu'il ramènera avec lui au pays. Certains trouvent également ici l'occasion pour faire du commerce; ce n'est pas interdit par la religion à partir du moment où cela n'affecte pas l'exécution du rituel du haj.

Al Madina, ville du prophète

mosquée madinahCeux comme nous qui sommes arrivés directement à Makkah, nous avons commencé par l'essentiel, à savoir effectuer le rituel obligatoire du haj. Cependant, tous les pélerins profitent de leur présence en arabie saoudite pour aller visiter la deuxième mosquée sacrée en islam, la mosquée du prophète à Madinah. L'islam n'autorise de faire un voyage spécialement pour visiter une mosquée que pour aller vers l'une des trois mosquées : La mosquée du haram à Makkah, la mosquée du prophète à Madinah et la mosqué d'alaqsa à al qods (jerusalem). Une fois arrivée à la mosquée du prophète à Madinah, c'est l'occasion aussi de visiter la tombe du prophète.
Madinah est une ville merveilleuse ! il y règne un calme et une paix de l'âme, qui par certains côtés, dépassent le calme qu'on peut ressentir à Makkah. En effet, à Madinah, il y a moins de monde, la mosquée est spacieuse, très bien organisée et excellement entretenue, l'imam qui dirige la prière a une merveilleuse voix dans la lecture du Coran. Ajoutez à cela des habitants et des commerçants extrêmements sympathiques, Madinah est un véritable paradis de l'âme.
Après les prières du Fajr et du Maghreb, s'organisent des cercles d'études islamiques autour de savants de très haute qualité. Certains cercles apprennent le Coran ou sa lecture sous la houlette d'un cheikh connaisseur du Coran. On peut aussi à tout moment aller dans l'une des grandes salles et nombreuses salles de lecture de la grande bibliothèque située en plein centre de la mosquée. Chaque salle de lecture est consacrée à un type de livres et de science islamique : Coran, Hadith, Fiqh, etc.
Personnellement, j'adorais d'abord assister aux cercles d'études islamiques et s'il n'y a pas de cercles, j'allais m'assoire dans "mon paradis". Il s'agit d'un endroit de la mosquée à ciel ouvert mais qui est équipé de très beaux et grands parapluies actionnés mécaniquement et qui sont déployés ou repliés suivant le temps qu'il fait ... Cet endroit ensoleillé, aéré et richement et finement décoré est vraiment enchanteur, c'est une vrai invitation à la prière et la méditation. En un mot, à Madinah comme à Makkah prier Dieu devient un vrai plaisir de l'âme mais également des sens, surtout les yeux et l'ouie sans parler de l'eau de zamzam partout disponible et dont on ne se lasse jamais.
A propos des plaisirs des sens, j'ai pu découvrir d'autres plats que nos classiques mets marocains. Ainsi j'ai connu la taamya égyptienne, le foul et tamisse indiens (foul : fèves très cuites, tamisse : très bon pain cuit d'une manière très original collé au mur du four !) J'ai également appris à apprécier le thé noir au lait, moi qui ne jurait que par du thé vert à la menthe !

Conclusion ...

En conclusion sachez que le haj est un plaisir des sens et de l'âme. C'est une expérience spirituelle inégalée et inestimable. Bien préparé, bien exécuté et correctement suivi, il n'est jamais une simple parenthèse dans la vie d'un musulman mais bien un point d'inflexion et un tournon important. Il marque le retour à Dieu et l'ascension du chemin menant vers Dieu, un chemin plein de bonheur ici bas et surtout au delà ... La vie, ses soucis et ses problèmes obscurcit notre âme et met un voile de tristesse sur notre coeur, le haj et l'occasion d'enlever ce voile qui durcit le coeur et l'occasion de trouver du plaisir et du bonheur à faire ses cinq prières par jour. A ce moment-là on commence à comprendre pourquoi le prophète trouvait son bonheur dans la prière et disait à Bilal le moueddine "arihna biha ya bilal" ("Bilal, fait nous reposer avec la prière").
Que Dieu garde la Kaaba un havre de paix vers lequel retournent les âmes assoifées de communion avec Dieu et
Que Dieu récompense nos frères et soeurs saoudiens qui font un travail magnifique pour faciliter le haj et garder les lieux saints à Makkah et à Madinah dans un état d'entretien et de propreté propice à la prière et au repos de l'âme.
Finalement, prions Dieu pour que le troisième lieu saint de l'islam, la mosquée al aqsa soit libérée du joug du sionisme et que nos frères et soeurs palestiniens soient sauvés de la machine de guerre sioniste qui n'épargne ni femmes, ni viellards ni enfants. Aamine !

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